CINQ

 

Le flotteur lourd Guns for Guevara était exactement ce à quoi on s’attendait. Un requin discret et lourdement équipé, l’épine dorsale hérissée d’armes. En contraste marqué avec les flotteurs commerciaux qui sillonnaient les routes entre Millsport et l’archipel Safran, il n’avait aucun pont ou tourelle extérieur. La passerelle de commandement formait une bosse raccourcie sur l’avant de la structure gris terne, et les flancs s’évasaient en courbes douces et lisses. Les deux baies de chargement, ouvertes de chaque côté du nez, paraissaient faites pour dégorger des volées de missiles.

— Tu es sûre que ça va marcher ? ai-je demandé à Sylvie en atteignant la rampe de chargement.

— Relax, a grogné Orr derrière moi. C’est pas la Ligne Safran.

Il avait raison. Pour une opération dont le gouvernement disait qu’elle était menée dans des règles de sécurité très strictes, l’embarquement des déClass me paraissait particulièrement relâché. À côté de chaque soute, un agent en uniforme bleu taché prenait des documents sur papier et passait les flashs d’autorisation sous un lecteur qui n’aurait pas été trop déplacé dans une expéria sur les années de Colonisation. Les files du personnel en attente d’embarquement montaient et descendaient la rampe, les bagages empilés jusqu’aux chevilles. Les bouteilles et les pipes passaient de main en main dans l’air froid. Il y avait une hilarité tendue et des chahuts amicaux qui éclataient çà et là, des plaisanteries répétées sur le vieux lecteur. Les agents souriaient en retour, patients.

— Et où est Laz, putain ? se demandait Kiyoka.

— Il va venir. Comme chaque fois, a dit Sylvie en haussant les épaules.

On s’est glissés derrière la file la plus proche. La petite grappe de déClass devant nous a tourné la tête, posé un regard sur les cheveux de Sylvie, et a repris son bavardage. Elle ne détonnait pas, dans cette foule. Une grande enveloppe noire, quelques groupes plus loin, avait une crinière du même genre, en dreadlocks, et il y en avait d’autres un peu moins imposantes dans la foule.

Jadwiga était à côté de moi, silencieuse.

— Mais c’est pathologique, chez Laz, m’a dit Kiyoka en regardant tout le monde sauf Jad. Il faut toujours qu’il soit en retard, bordel.

— Il a ça dans les circuits, a dit Sylvie d’un air absent. On ne devient pas un poisson-grimace professionnel sans vivre sur la corde raide.

— Eh, moi aussi je suis un poisson-grimace, et moi je suis à l’heure.

— T’es pas un poisson-grimace pilote, a dit Orr.

— Ah ouais, je vois. Bon, on est tous… (elle a regardé Jadwiga et s’est mordu la lèvre) poissons pilotes, c’est juste une histoire de place. Laz est pas câblé différemment de moi ou de…

En regardant Jad, on n’aurait jamais cru qu’elle était morte. On l’avait nettoyée à l’appartement. Les blessures d’armes à rayon cautérisent, il n’y a donc pas beaucoup de sang. On lui a collé un gilet de combat de marine qui cachait les blessures, plus un blouson, on lui a mis des lentilles d’EV pour cacher ses yeux ouverts. Puis Sylvie est passée par le réseau de l’équipe et a enclenché ses systèmes moteurs. Ça devait demander un peu de concentration, mais à peine par rapport à ce qu’il fallait pour déployer l’équipe contre les minmils à New Hok. Elle faisait marcher Jad à sa gauche, et on était en phalange autour des deux filles. Des ordres simples aux muscles faciaux avaient fermé la bouche de la déClass morte, et sa pâleur… En fait, avec les lentilles EV et un grand sac besace sur l’épaule, Jad n’avait pas plus mauvaise mine que pour une descente de frisson et d’endorphine combinés. Et nous non plus, on ne devait pas avoir fière allure.

— Autorisations, s’il vous plaît.

Sylvie a tendu ses sorties papier, et l’agent a entrepris de passer chaque feuille sous le lecteur. Elle a dû envoyer un petit coup aux muscles de Jadwiga dans le même temps, via le réseau, parce que la morte a penché la tête, un peu raide, comme si elle regardait le flanc blindé du glisseur. Très bien joué, très naturel.

— Sylvie Oshima. Équipe de cinq, a dit l’agent en nous comptant. Matériel déjà embarqué.

— Exact.

— Allocation cabine. (Il a plissé les yeux pour lire l’écran du lecteur.) Trié. P19 à 22, pont inférieur.

Il y a eu un léger mouvement vers l’arrière de la rampe. On s’est tous retournés sauf Jadwiga. J’ai repéré des robes ocre et des Barbes, des gestes rageurs et des gesticulations.

— Qu’est-ce qui se passe ? a demandé Sylvie, très calme.

— Oh – des Barbes. (L’agent a rendu la documentation.) Ils rôdent sur le quai depuis ce matin. Apparemment, ils sont tombés sur deux ou trois déClass hier, à l’est. Ça a mal tourné. Vous savez comment ils sont, dans ce cas-là.

— Ouais. Colère. (Sylvie a pris les papiers et les a rangés dans son blouson.) Ils ont un signalement, ou ils sont prêts à prendre n’importe quel déClass ?

L’agent a souri.

— Pas de vidéo, apparemment. Le bar utilisait tout ce qu’il pouvait pour l’holoporn. Mais ils ont un témoin. Une femme, et un homme. Ah oui, la femme avait des cheveux.

— Bon sang, c’est moi tout craché, a ri Sylvie.

Orr l’a regardée bizarrement. Derrière nous, le bruit a grossi. L’agent a haussé les épaules.

— Ouais, vous ou des dizaines d’autres têtes de contrôle que j’ai fait passer ce matin. Moi, ce que je voudrais savoir, c’est pourquoi des prêtres se sont pointés dans un rade qui passe de l’holoporn ?

— Pour se branler ? a suggéré Orr.

— Ah, la religion, a soupiré Sylvie avec un serrement de gorge, comme si elle allait vomir.

À côté de moi, Jadwiga a vacillé et a tourné la tête plus brutalement que les gens le font d’habitude.

— Est-ce que quelqu’un s’est déjà rendu compte… Sylvie a grogné, dans ses tripes. J’ai lancé un regard à Orr et Kiyoka, et vu leur visage se crisper. L’agent a continué à la regarder, curieux, pas encore inquiet.

— … que tous les sacrements humains sont des illusions bon marché, et…

Autre son étranglé. Comme si on lui arrachait ses paroles d’un endroit pris dans la glace. Jadwiga vacillait de plus en plus. Le visage de l’agent commençait à changer. Il avait senti l’odeur de notre inquiétude. Même les déClass dans la file derrière nous oubliaient la bagarre au sommet de la rampe, se reportant sur la femme pâle et le discours qu’elle lançait par bribes.

— … que toute l’histoire humaine pourrait être une simple putain d’excuse à la con pour l’incapacité de donner un vrai orgasme à une femme.

Je lui ai écrasé le pied. Très fort.

— Tout à fait.

L’agent a eu un rire nerveux. Les sentiments quellistes, même les plus poétiques, étaient encore à prendre avec des pincettes dans la culture de Harlan. Trop dangereux. L’enthousiasme pourrait amener quelqu’un vers les dernières théories politiques de Quell, et ses pratiques. On peut donner un nom de révolutionnaire à son flotteur si on veut, mais seulement s’il est trop ancien pour que qui que ce soit se rappelle pour quoi il luttait.

— Je…, a commencé Sylvie, perdue.

Orr s’est approché pour la soutenir.

— On en reparlera plus tard, Sylvie. D’abord, on va tout poser. Regarde. (Il l’a bousculée.) Jad est morte de fatigue, et je ne me sens pas beaucoup mieux. On pourrait…

Elle a compris. S’est redressée et a opiné de la tête.

— Ouais, plus tard.

Le cadavre de Jadwiga a arrêté de vaciller, et a même levé sa main à son front de façon réaliste.

— Le blues de la redescente, ai-je plaisanté à l’attention de l’agent, clin d’œil à l’appui.

Sa nervosité est retombée, il a souri.

— Ouais, j’ai déjà vu ça.

Des lazzis en haut de la rampe. J’ai entendu quelqu’un crier : « Abomination », puis une décharge électrique. Sans doute un poing énergétique.

— Je crois qu’ils ont eu les yeux plus gros que le ventre, a dit l’agent en regardant derrière nous. Ils auraient dû venir en force s’ils voulaient se la jouer devant les déClass. Bon, voilà pour vous. Vous pouvez monter à bord.

Nous sommes passés par l’écoutille sans que personne ne vacille, et nous sommes descendus dans les coursives pleines d’écho à la recherche de nos cabines. Derrière moi, le cadavre de Jad gardait son pas mécanique. Le reste de l’équipe faisait comme s’il ne s’était rien passé.

 

— C’était quoi, ces conneries ?

J’ai fini par poser la question une demi-heure plus tard. L’équipe de Sylvie se tenait autour d’elle dans la cabine, mal à l’aise. Orr devait se voûter pour tenir sous les armatures de renfort du plafond. Kiyoka regardait par le seul hublot sans tain, trouvant quelque chose de très intéressant dans l’eau du dehors. Jadwiga était allongée sur le ventre sur une couchette. Toujours aucun signe de Lazlo.

— C’était un bug.

— Un bug. Et ça t’arrive souvent, ce genre de court-circuit ?

— Non. Pas souvent.

— Mais ça t’est déjà arrivé.

Orr est passé sous une poutrelle pour me rejoindre.

— Eh, lâche-la, Micky. Personne ne t’a forcé à venir avec nous. Si t’es pas content, tu peux foutre le camp, hein…

— Je suis curieux, c’est tout. Qu’est-ce qu’on fait si Sylvie lâche la rampe et commence à lancer des quellismes en pleine rencontre contre les minmils ? C’est tout.

— Tu nous laisses nous occuper des minmils, a dit Kiyoka d’un ton mort.

— Ouais, Micky, a ri Orr. C’est notre boulot. Toi, tu profites de la balade.

— Je veux juste…

— Ferme ta gueule si tu…

— Bon… (Elle a parlé très calmement, mais Orr et Kiyoka se sont retournés vers elle.) Pourquoi vous ne nous laissez pas tous les deux, Micky et moi, pour qu’on en parle ?

— Euh, Sylvie, il est…

— Il a le droit de savoir, Orr. Tu nous laisses ?

Elle les a regardés sortir, a attendu que la porte de la cabine se déplie, puis a pris un siège.

— Merci, ai-je dit.

— Bon. (Elle a tendu la main dans la masse de ses cheveux et a saisi le câble central.) Tu connais le principe. Il y a plus de capacité de traitement là-dedans que dans la plupart des bases de données de la ville.

Elle a lâché le câble et secoué la tête pour remettre les cheveux en place. Un petit sourire a fleuri sur ses lèvres.

— Là-bas, on peut se manger une attaque virale assez méchante pour écraser un esprit humain comme de la pulpe de fruit. Ou juste des codes interactifs minmils qui essaient de se reproduire, des systèmes d’intrusion machine, des façades de personnalités artificielles, des débris de transmission, tout et n’importe quoi. Il faut que je puisse contenir tout ça, le trier et l’utiliser sans rien laisser filtrer dans le réseau. C’est ça, mon taf. Tout le temps. Et même si on paie un bon nettoyage après coup, il reste des saloperies dans les coins. Des traces de code résistant. (Elle a frissonné.) Des données fantômes. Il y a des trucs implantés là-dedans, derrière les amortisseurs, auxquels je ne veux même pas penser.

— On dirait que c’est le moment de changer le matos.

— Ouais. (Un sourire amer.) Mais je n’ai pas les moyens, là tout de suite. Tu saisis ?

Je saisissais.

— Techno récente. C’est la merde, hein.

— Ouais. Les prix de la techno de pointe, c’est le royaume du n’importe quoi. Ils prennent le financement de la guilde, les fonds de défense du Protectorat, et après ils font porter les coûts de la R&D de Sanction à des clampins comme moi.

— Le prix du progrès, hein…

— Ouais, j’ai vu la pub. Connards. Bon, ce qui m’est arrivé, là, c’est juste un peu de boue dans les conduits, rien de grave. Peut-être en rapport avec le piratage de Jad. Je fais rarement ça, c’est de la capacité inutilisée. Et c’est généralement là que le système de gestion des données largue les restes. Le SysNer de Jad a dû me demander beaucoup de puissance, et hop, on vire les déchets.

— Tu te rappelles ce que tu disais ?

— Pas vraiment. (Elle s’est passé la main sur le côté du visage, les doigts appuyés contre un œil.) Un truc sur la religion ? Sur les Barbes.

— Ouais, en gros. Tu es partie de là, mais après tu as commencé à paraphraser des vieux textes de Quellcrist Falconer. Tu serais pas quelliste, toi ?

— Putain, non.

— C’est bien ce qu’il me semblait.

Elle y a réfléchi un moment. Sous nos pieds, les moteurs du Guns for Guevara ont commencé à tourner doucement. Départ imminent pour Drava.

— J’ai pu le choper sur un drone de dissémination. Il en reste encore pas mal à l’est – leur prime de déClassement ne mérite pas qu’on s’en occupe, alors on les laisse tant qu’ils ne foutent pas en l’air les comlinks locaux.

— Il y aurait du quelliste dedans ?

— Oh oui. Au moins quatre ou cinq des factions qui ont niqué New Hok étaient d’inspiration quelliste. Tu parles, il paraît même que Quell se battait là-haut, quand la Décolo a commencé.

— Ouais, c’est ce qu’on dit.

La porte a sonné, Sylvie m’a fait un petit geste de la tête, et je suis allé ouvrir. Dans le couloir frissonnait un petit homme fin, avec de longs cheveux noirs attachés en queue-de-cheval. Il suait à grosses gouttes.

— Lazlo. (Pure déduction de ma part.)

— Ouais. Et toi, t’es qui ?

— Longue histoire. Tu veux parler à Sylvie ?

— Ce serait bien, ouais. (Bonne dose d’ironie. Je me suis écarté pour qu’il entre. Sylvie l’a regardé de la tête aux pieds.) Je suis passé par le lanceur de radeaux, a annoncé Lazlo. Quelques coupe-circuits pour passer, sept mètres à ramper dans une cheminée en acier poli. Du gâteau.

Sylvie a soupiré.

— Ce n’est pas génial, Laz, ce n’est pas intelligent, et un jour tu vas rater le bateau. Et qu’est-ce qu’on fera, à ce moment-là ?

— Eh bien, on dirait que tu cherches déjà des remplaçants. (Regard dans ma direction.) C’est qui, ça ?

— Micky, Lazlo. (Un petit geste désinvolte de l’un à l’autre.) Lazlo, voici Micky la Chance. Compagnon de voyage temporaire.

— Tu l’as fait rentrer avec mes papiers ?

— Tu ne t’en sers jamais.

Lazlo a repéré Jadwiga sur le drap et a souri. Il a traversé la cabine et lui a collé une claque sur les fesses. Voyant qu’elle ne réagissait pas, il a froncé les sourcils. J’ai fermé la porte.

— Bon Dieu, qu’est-ce qu’elle a pris hier ?

— Elle est morte, Laz.

— Morte ?

— Pour le moment, oui. (Sylvie m’a regardé.) Tu as raté une bonne partie de la danse, depuis hier.

Lazlo a suivi le regard de Sylvie.

— Et tout est lié au grand synthé brun, là, non ?

— Si, ai-je répondu. Comme je t’ai dit, c’est une longue histoire.

Lazlo est allé à la niche lavabo et a fait couler de l’eau dans ses mains. Il a baissé la tête dans l’eau et a reniflé. Puis il a passé le reste d’eau dans ses cheveux, s’est redressé et m’a regardé dans le miroir. S’est tourné vers Sylvie.

— OK, capitaine. Je t’écoute.

Furies Déchaînées
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